Théâtre

Catule

Catule

Edition Originale

Œuvres complètes, Club de l’Honnête Homme, 1970.
Ecrit vers 1913.

Préface

« Aux temps lointains de mon adolescence sur les bancs du vieux lycée de Marseille, je composais des poésies. Presque tous les écrivains ont commencé par là. (…) J’empruntai à la bibliothèque du lycée un recueil des élégiaques latins composé par monsieur Arnauld, professeur de première de notre lycée. J’y découvris Properce, Tibulle, Ovide, Catulle. J’étais un assez bon latiniste, car je parlais le provençal avec mon grand-père et mes amis du village de La Treille, près d’Aubagne. Cette langue est beaucoup plus proche du latin que le français. (…). Il me fut donc aisé de traduire les élégiaques dont la lecture m’enchanta. Je fus émerveillé et très ému par Catulle et ses amours avec Lesbie, dont il dit qu’elle se prostitue pour un quart d’as, c’est-à-dire pour quelques sous. J’ai travaillé longuement à cet ouvrage que j’ai recommencé cinq ou six fois. La pièce par elle même ne vaut pas grand-chose, si ce n’est que le lecteur y trouvera peut-être quelques beaux vers. Mais cette entreprise manquée eut pour moi une très grande importance, parce que c’est en y travaillant pendant des années que j’ai pris goût à l’art dramatique, et c’est par une sorte de reconnaissance pour le jeune homme pauvre que je fus, et à qui je dois presque tout, que j’ai voulu lui faire l’honneur d’avoir sa place dans ces beaux livres. »

Résumé

Catulle, jeune poète latin, aime passionnément Clodia, une courtisane. Celle-ci s’éprend de lui mais, légère et frivole, elle le trompe. Puis, lorsqu’un jour Catulle tombe malade, elle s’en lasse bien vite. Elle le quitte alors pour un de ses amis : Coelius. Le poète, le cœur brisé, regrette le temps dédié à Clodia plutôt qu’à la poésie et à sa renommée. Bafoué et affaiblit, il en meurt.

CATULLE, il frissonne.
J’ai peur ; j’ai gaspillé ma vie…
A cette passion elle fut asservie,
Seul, je vais comparaître au juge souverain…
Calvus, pourrai-je avoir un front calme et serein ?
Convive de festins, auteur de vers futiles, Qu’ai-je donc fait de grand, d’honorable ou d’utile ?
Mon génie… Ah, les dieux me l’avaient confié…
Calvus, Calvus, a-t-il vraiment fructifié ?
Le soir tombe… J’arrive au bout de la colline
Et je vois à mes pieds la pente qui décline,
Et je jette un regard d’effroi sur mon passé…
Quand je serai parti, qu’aurai-je donc laissé ?
Ah ! Quelle lourde et quelle étouffante agonie !
Calvus, je meurs stérile et j’avais du génie !
Je pars comme un enfant, bercé de ta pitié,
Et j’étais le poète, et je meurs tout entier !

CALVUS
Ce n’est pas vrai… Car tu vivras dans les mémoires…
Ton oeuvre d’autrefois peut suffire à ta gloire…
Et tes vers amoureux traverseront les temps…

Catulle a regardé derrière lui. Il saisit le bras de Démétrius, et, tremblant, il lui dit à voix basse.

CATULLE
Elle est là… Tu l’entends ?

DEMETRIUS, effaré.
Que dit-il ?

CATULLE
Tu l’entends ?
Elle rit… La vois-tu ? Quels longs gestes avides…
Elle sait qu’elle va m’emporter les mains vides,
Elle sait qu’elle va m’emporter, moi, vaincu,
Moi qui meurs à trente ans et qui n’ai pas vécu… »

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