Manifestations

Aubagne : Dictée Marcel Pagnol – 6ème édition

Dictée Marcel Pagnol à Aubagne, édition 2023.
Dictée Marcel Pagnol à Aubagne, édition 2023.

Un évènement qui s’inscrit dans le temps

Chaque année depuis 6 ans, l’association AD2C et la Ville d’Aubagne vous proposent de vous plier à l’exercice de la dictée sur un texte de l’Académicien Aubagnais Marcel Pagnol.

Pour la 6e édition de la dictée Marcel Pagnol, Didier van Cauwelaert s’est encore une fois régalé à mettre à l’épreuve les participants. L’écrivain avait choisi cette année de complexifier un texte de Marcel Pagnol quelque peu inattendu : son discours de réception à l’Académie française, le 27 mars 1947.

C’est comme toujours dans une ambiance à la fois joyeuse et studieuse, détendue mais sportive, que s’est déroulé l’événement organisé par Aubagne développement culture et création au sein de l’Espace des Libertés.

Le palmarès

Amateurs

  1. Nicole Dauxin 
  2. Marie Luche 
  3. Michèle LANCIA 

Initiés

  1. Gérard Deshours 
  2. Florence Ricard 
  3. Marie-Pierre GRANIER 

Moins de 16 ans

  1. Garance ARNAUD 
  2. Louka ZANEZE 
  3. Baptiste Luche

Le texte

DISCOURS DE RÉCEPTION DE MARCEL PAGNOL À L’ACADÉMIE FRANÇAISE (27 MARS 1947)

Messieurs, Le règlement et la reconnaissance m’imposent a priori de commencer ce discours par un profond remerciement. Mais ma présence parmi vous me paraît si saugrenue que je vous dois une explication, non pas de votre choix dont vous êtes seuls maîtres, mais des circonstances qui m’ont amené à solliciter vos suffrages. Certes, je ne feindrai pas la surprise, nul ne pourra m’ouïr balbutier en piquant un fard : « comment est-il possible que vous ayez pensé à moi ? »

Je sais bien que j’y ai pensé le premier, et je me souviens d’avoir écrit sans ambages, à l’adresse de Monsieur le Secrétaire perpétuel, une lettre par laquelle je me proposais à votre choix.

(fin de la dictée pour les plus jeunes)

C’est cette fanfaronnade que je vous demande la permission de justifier, telle une didascalie éclaircissant le comportement scénique d’un histrion. Nous étions au lendemain de la capitulation de l’Allemagne. Durant la guerre, l’Académie s’était juré de ne point réparer ses pertes. Craignant l’ingérence des puissants du jour, elle refusa de faire un choix qui n’eût pas été entièrement libre. Cependant, la Providence ne voulut point lui savoir gré de la dignité de cette attitude : sous l’Occupation, quinze membres de la Compagnie partirent pour un monde que l’on dit meilleur, mais qui, à cette époque, ne pouvait être pire.

Lorsque Monsieur le Secrétaire perpétuel ouvrit enfin les portes, il vit, alignées tout au long des murs de la cour d’honneur, une centaine de personnes qui, s’étant plu à venir postuler dès potron-minet, l’applaudirent à cor et à cri, puis s’avancèrent en rangs serrés. Effrayé par le nombre, il referma les grilles.

Je passais par hasard, Messieurs. Je vis cette longue file inénarrable où tant de plumes acérées, à mille milles de leur encrier d’attache, avaient jeté l’ancre de leur ambition, hissant à l’envi le pavillon de leur talent et de leurs mérites qui ralinguait au vent de l’espoir. J’allais repartir subséquemment, découragé par le poids de leur bagage littéraire, lorsque, miracle insidieux ou hallucination propitiatoire, j’entendis une voix sépulcrale susurrer dans mon for intérieur :

— Tu as vu, Marcel ? Il n’y a parmi eux aucun auteur dramatique.

C’est donc cette carence, et non mes hypothétiques vertus, qui, contre vents et marées, de Charybde en Scylla, m’incita de facto à briguer l’honneur qui m’échoit aujourd’hui.

Didier van Cauwelaert, d’après Marcel Pagnol

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