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Pièce de théâtre « Fabien » en livre

La salle à manger-atelier, qui se trouve dans l’arrière-boutique du photographe de Luna-Park. Des douzaines…

Comédie en quatre actes de Marcel Pagnol.
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Présentation

La salle à manger-atelier, qui se trouve dans l’arrière-boutique du photographe de Luna-Park.

Des douzaines d’épreuves sont pendues à des ficelles tendues à travers la pièce. Une grande table-bureau, contre le mur de droite, est chargée de matériel : cuvettes, agrandisseuses, pièces détachées d’appareils.

La table de la salle à manger est presque au milieu, à gauche.

Au fond, par une fenêtre à rideaux de dentelle, on voit la baraque d’en face, qui est celle du géant Captain, le mammouth humain.

Madame Lodoïska, la femme à barbe, est assise près de la table. Elle tricote, tout en faisant la conversation. Elle a trente ans à peine. Elle est coquettement vêtue, elle a de jolis traits et une assez longue barbe blonde, qu’elle dissimule derrière une écharpe de soie.

À côté d’elle est assise Milly, la femme du photographe. Elle est fraîche comme une pomme, avec une jolie voix de jeune fille, mais elle doit peser près de cent kilos.

Pourtant elle est alerte et vive. À chaque instant, elle quitte la table, et elle va chercher le long des ficelles les épreuves qui sont sèches. Puis elle revient s’asseoir avec une longue paire de ciseaux brillants, elle coupe avec soin les bords des épreuves, avant de les coller sur des cartons et de les mettre sous une presse à vis.

Elle travaille sans cesser de parler.

Acte 1, scène 1

MILLY (tout en travaillant). — À ce qu’il paraît qu’en Turquie, quand on va marier une jeune fille, eh bien, on la met dans une chambre un peu obscure et on la couche dans un bon lit. Et puis, on lui donne des soupes de farine avec du beurre, et puis des pâtées de maïs, et puis des gâteaux bien lourds, bien épais, des vrais estouffe-bougre. Tout ça pour l’engraisser le plus possible. Et alors, quand elle est bien ronde et bien dodue, on la marie. Ils aiment beaucoup ça, les Turcs. C’est leur goût.

LODOÏSKA. — Vous êtes allée en Turquie, madame Milly ?

MILLY. — Mon Dieu non ! Si j’y étais allée, je ne serais pas ici, à vous parler ! Ils ne m’auraient jamais laissé repartir ! Quoique pour eux, je ne suis peut-être pas assez grosse, qui sait ? C’est ma sœur Maria qui aurait dû aller là-bas ! Au lieu de faire des ménages, ça serait peut-être la femme du Grand Mogol !

LODOÏSKA. — Parce qu’elle est plus grosse que vous ?

MILLY. — Pas le double, mais presque ! C’est ma sœur aînée… (Elle regarde l’heure à la pendule, et se lève en grande hâte.) Mon Dieu ! six heures et demie… Et j’oubliais de mettre mes cannellonis !

Elle soulève un rideau, qui cache une petite cuisine. Elle frotte une allumette. Elle allume le gaz. Puis, tout en parlant, elle remonte une minuterie.

LODOÏSKA. — Lorsque j’étais à Magic-City, à New York, il y avait une Polonaise qui pesait 420 livres…

MILLY. — Mon Dieu ! Quelle poitrine elle devait avoir !

LODOÏSKA. — Elle avait ce qu’on appelle une belle paire de rotoplots.

MILLY. — Et ses mollets, dites !

LODOÏSKA. — Quand elle marchait, ça faisait comme des applaudissements !

MILLY. — Et je parie qu’il y avait quelqu’un qui l’aimait !

LODOÏSKA. — Oui. À la folie !

MILLY (ravie). — Ah ! Et qui ?

LODOÏSKA. — Son chien.

MILLY (navrée). — Et des hommes ? Il n’y en avait pas ?

LODOÏSKA. — Non. Il n’y avait pas de Turcs.

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