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Pièce de théâtre « Marius » en livre

L’intérieur d’un petit bar, sur le Vieux-Port, à Marseille. À droite, le comptoir. Derrière le…

Marius, le fils de César, patron du bar de la Marine, est partagé entre son amour pour Fanny et son désir de prendre la mer, de parcourir le monde...
Marius, le fils de César, patron du bar de la Marine, est partagé entre son amour pour Fanny et son désir de prendre la mer, de parcourir le monde...

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Présentation

L’intérieur d’un petit bar, sur le Vieux-Port, à Marseille. À droite, le comptoir. Derrière le comptoir, sur des étagères, des bouteilles de toutes les formes, ornées d’étiquettes bigarrées. Deux gros percolateurs nickelés. À gauche, le long du mur, une banquette de moleskine qui s’arrête à un mètre du rideau pour laisser la place à une porte fermée. Des tables rectangulaires en marbre, des chaises. À droite du comptoir un escalier à vis conduit au premier étage.

Au fond, toutes les portes vitrées ont été enlevées, à cause de la chaleur. Il y a plusieurs tables sur le trottoir, sous une tente en auvent. On devine que cette espèce de terrasse s’étend assez loin de chaque côté du bar. Au milieu, juste au bord du trottoir, se dresse un éventaire où l’on vend des coquillages. On le voit de dos. Il est peint en vert.

Plus loin que l’éventaire, au fond, un entassement de marchandises. Caisses qui portent en grosses lettres des noms de villes : Bangkok, Batavia, Sydney. Des tonneaux de fer, et sur la droite, une montagne d’arachides, sous un soleil éclatant. Enfin, au-dessus des marchandises, on voit des mâts qui se balancent.

On entend, au-dehors, des milliers de coups de marteau sur des coques de navires, les vieux navires en démolition. On entend ferrailler la chaîne des grues, et des coups de sifflet lointains.

Fanny, la petite marchande de coquillages, est assise près de l’éventaire. Elle a dix-huit ans. Elle est petite, sa figure a une fraîcheur enfantine, mais son corps est harmonieux et robuste. Ses jambes sont nues, elle a de petits sabots. Elle lit un roman populaire, en attendant la pratique.

Au comptoir, Marius rince des verres. Il a vingt-deux ans, il est plutôt grand, mince, les yeux enfoncés dans l’orbite. Au fond, sur la banquette, Piquoiseau. Devant lui, sur la table, une bouteille de rhum vide et un verre plein. Il n’a pas d’âge. Il porte un béret de marin sale et fripé. Un veston en loques. Un pantalon en lambeaux qu’il a roulé pour le retrousser sur son mollet. On voit sous la table ses pieds nus, noirs de crasse et de boue.

Au premier plan, à droite, sur une chaise longue de bateau, le patron, César. Il dort, son tablier bien rabattu sur le visage, à cause des mouches. Les manches de sa chemise sont retroussées sur ses bras velus. Au premier plan, à gauche, M. Escartefigue, capitaine du ferry-boat (il prononce fériboite). Devant lui, une tasse de café. Barbe carrée, l’œil d’un pirate, le ventre d’un bourgeois. Il porte un uniforme, qui tient du gardien de square et de l’amiral. Soudain, une sirène déchirante retentit. Les coups de marteau peu à peu s’arrêtent. Escartefigue tire sa montre.

Acte 1, scène 1

ESCARTEFIGUE — Té, midi à la sirène des Docks ! (On voit passer devant le bar des ouvriers, la veste pendue à l’épaule. Escartefigue allume un ninas, puis il regarde dormir César, qui ronfle. Escartefigue siffle. Le dormeur cesse de ronfler.) Comme il dort, ton père !

MARIUS — Hé ?

ESCARTEFIGUE (plus fort) — Comme il dort, ton père !

MARIUS — Pensez qu’il se lève à 3 heures tous les matins et qu’il reste au comptoir jusqu’à 9 heures. C’est le moment du gros travail.

ESCARTEFIGUE (il cligne de l’œil) — Et toi, pendant ce temps, tu es dans ton lit.

MARIUS — Oui, mais je fais l’après-midi et la soirée.

ESCARTEFIGUE — Oui, quand il n’y a plus personne !

MARIUS (il s’essuie les mains. Il vient s’asseoir près d’Escartefigue) — Et vous, vous avez beaucoup de monde, aujourd’hui ?

ESCARTEFIGUE — Un passager tous les deux voyages.

MARIUS — Il n’y a donc plus de gens qui ont besoin de traverser le port ?

ESCARTEFIGUE (triste) — C’est le Pont Transbordeur qui me fait du tort. Avant qu’ils aient bâti cette ferraille, mon bateau était toujours complet. Maintenant, ils vont tous au Transbordeur… C’est plus moderne que le fériboite, et puis ils n’ont pas le mal de mer.

MARIUS (incrédule) — Vous avez vu des gens qui ont le mal de mer sur votre bateau ?

ESCARTEFIGUE — Oui, j’en ai vu.

MARIUS — Qui ?

Un temps. Escartefigue hésite. Puis, bravement.

ESCARTEFIGUE — Moi !

MARIUS — Pour une traversée de cent mètres ?

ESCARTEFIGUE (indigné) — Qué, cent mètres ! Il y a deux cent six mètres d’une rive à l’autre. Je connais bien le voyage, je le fais vingt-quatre fois par jour depuis trente ans !

MARIUS — Trente ans… (Marius secoue la tête.) Et ça ne vous fait rien quand vous voyez passer les autres ?

ESCARTEFIGUE — Quels autres ?

MARIUS — Ceux qui prennent le port en long au lieu de le prendre en travers.

ESCARTEFIGUE (stupéfait) — Pourquoi veux-tu que ça me fasse quelque chose ?

MARIUS (rêveur) — Parce qu’ils vont loin.

ESCARTEFIGUE (sentencieux) — Oui, ils vont loin. Et d’autres fois, et d’autres fois, ils vont profond.

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