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Bruno Masi remporte le prix Marcel Pagnol 2019

Bruno Masi et son livre « La Californie » (Éditions J.C. Lattès) prix Marcel Pagnol 2019.
Bruno Masi et son livre « La Californie » (Éditions J.C. Lattès) prix Marcel Pagnol 2019.

Très bel article de Mohammed Aissaoui dans Le Figaro à propos du lauréat du Prix Marcel Pagnol Bruno Masi et de son livre « La Californie » aux Éditions J.C. Lattès.

Son roman, La Californie (JC Lattès), a séduit tout le jury. Une voix singulière est née. L’auteur a reçu sa récompense au Fouquet’s. Malgré le dramatique incendie subi par Le Fouquet’s au mois de mars dernier, le prestigieux établissement ouvre ses salons pour des événements exceptionnels, comme ce lundi 24 juin pour le Prix Marcel Pagnol. À cette occasion, on apprenait une bonne nouvelle: Le Fouquet’s devrait ouvrir au public à la mi-juillet. C’est dans le bien nommé salon Raimu que s’est déroulée la cérémonie de la remise du Prix Marcel Pagnol, créé et organisé par Floryse Grimaud, avec le soutien de Nicolas Pagnol, le petit-fils de l’auteur de Manon des sources. À 19 heures, le président du jury, Daniel Picouly, toujours facétieux, a d’abord donné la liste des six finalistes, et a réclamé les applaudissements pour chacun d’entre eux. Dix-sept ans, d’Éric Fottorino (Gallimard) La Californie, de Bruno Masi (JC Lattès) Les amers remarquables, d’Emmanuelle Grangé (Arléa) Rue des pâquerettes, de Mehdi Charef (Hors d’atteinte) Tu n’as pas de cœur…, de Christine Jordis (Albin Michel) Vol d’hommes, de Marie Lebey (Éditions de Fallois) Ont ensuite été présentés les trois nouveaux membres du jury.

L’artiste FKDL (Franck Duval), qui chaque année dessine l’affiche du Prix Marcel Pagnol, il était normal qu’il rejoigne le jury; Grégoire Delacourt, lauréat du prix Marcel Pagnol 2011, et la romancière Colombe Schneck, également vainqueur du prix l’an dernier. » LIRE AUSSI – Mon Père, de Grégoire Delacourt: les enfants du silence Un bijou littéraire Et «the winner» est… Daniel Picouly se prenait pour le président du Festival de Cannes. Et c’est un romancier beau comme un acteur qui a été désigné: Bruno Masi, pour son deuxième roman La Californie (titre, on le verra, qui n’a pas grand-chose à avoir avec Hollywood). Publié par les éditions Lattès, l’auteur est arrivé accompagné de Véronique Cardi, la présidente, et Anne-Sophie Stefanini, son éditrice, ainsi que des auteurs maison. Inutile de dire que les sourires étaient larges et les smartphones en surcharge. À vue de nez, un million de photos ont été prises. Le Figaro littéraire avait remarqué ce magnifique roman, une sorte d’Attrape-cœurs entre béton et plage, qui narre les élucubrations d’un enfant de treize ans livré à lui-même. Tous les jurés étaient conquis: avec Bruno Masi, une voix singulière est née. D’ailleurs, son émouvant discours ressemblait à son livre. Ce n’est pas un hasard, si le lauréat 2019 a cité dans l’œuvre de Pagnol l’un de ses ouvrages moins connus: La prière aux étoiles (c’est aussi un film inachevé de Pagnol). Les récompenses littéraires ont aussi vocation à faire découvrir de nouveaux talents, et en cela le Prix Marcel Pagnol a parfaitement rempli sa mission.

La Californie est un bijou littéraire. Il met en scène un gamin désœuvré, Marcus Miope, qui annonce assez vite la couleur: «Je n’avais que treize ans et je ne pouvais pas poser des mots sur le flot d’émotions qui me saisissait la poitrine.» Pour son âge, il est déjà très mature. Trop, même. C’est le lot des enfants nés dans une famille déglinguée. Une sacrée galerie de portraits Il n’y a pas de père. Sa mère Annie raconte qu’il est né d’un coup foudre avec un marin américain quand un porte-avions avait mouillé quelques jours dans la rade, la famille habite près de l’autoroute, dans une cité du sud au bord de la mer, entre la plage et le béton. Son frère Dimitri est le fruit d’une rencontre avec un chauffeur routier que sa mère avait croisé lorsqu’elle était vendeuse de fruits et légumes le long de la nationale. Mais elle a découvert qu’il était marié et père de deux enfants… Quant à Annie, elle a passé son temps à fuguer et à laisser ses deux enfants livrés à eux-mêmes, sans argent ni nouvelles. Dans cette drôle de famille, on disparaît comme on respire, sans dire au revoir.

Rien n’a d’importance. «C’était comme ça», dit Marcus. Voilà pour le tableau. On comprend que le gamin de treize ans soit saisi par tout un flot d’émotions et que cette vie l’effraye: «J’ai toujours eu peur de ça, de l’arrivée du malheur et de la souffrance sans que rien ne m’y prépare.» Souvent assis sur le rebord d’une passerelle sous laquelle passe l’autoroute, Marcus rêve de la Californie en voyant défiler les voitures sous ses pieds. On ne dévoilera pas l’intrigue en disant que l’enfant ne prendra jamais l’avion pour Los Angeles – l’essentiel est ailleurs, dans ses élucubrations, ses pensées où l’on décèle une âme déjà abîmée. «Construire, c’est ça: accumuler les briques factices de notre bonheur», dit-il, en se moquant d’un slogan lu sur un panneau: «Vive l’ivresse de la vie!» L’écrivain brosse une magnifique galerie de portraits, une sorte de cour des Miracles, avec Annie et Dimitri, mais aussi le copain Virgile, Abdé le fils du boulanger, les filles à peine caressées, Pénélope et Noémie-Mélodie. Bruno Masi les a tous cités, ses personnages étaient venus avec lui au Fouquet’s…

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